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[exposition]

Blue Note

8 octobre au 15 novembre 2003

Sandrine Raquin

RESSOURCES

Carton de l'évènement

POUR ALLER PLUS LOIN

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Malgré sa singularité, et même s’il fait l’objet d’une reconnaissance qui vaut à certaines œuvres de l'artiste d’être citées au catalogue de plusieurs collections, notamment publiques, le travail de Sandrine Raquin reste encore peu diffusé localement. Il ne l’avait jamais été à Marseille dans le cadre d'une exposition personnelle proprement dite, jusqu’à celle que lui consacre aujourd'hui Vidéochroniques à Red District. C’est par ailleurs la première exposition organisée par l'association depuis janvier 1998 qui comprenne une œuvre directement issue de son propre dispositif de production, une vidéo réalisée dans le cadre d’une résidence dont Sandrine Raquin a bénéficié à l’automne 2002.
L'exposition regroupe un certain nombre d'œuvres très récentes dont une partie est réunie sous le titre générique L'Être heureux, Cet ensemble est constitué d’une installation mêlant des panneaux de plexiglas peints au moyen d'atomiseurs industriels et une signalétique adhésive disposée à même le Mur, ainsi que d’une vidéo projetée en grand format dont le son diffus se répand un peu partout à l’intérieur de la galerie. Les peintures, en raison du support et de la technique pratiquée, ont l'allure de photographies. Sans que cela nécessite beaucoup d'efforts de la part du visiteur, elles pourraient représenter, comme le fait effectivement la vidéo, des images de ciels encombrés de nuages. Il éprouverait cet environnement confortable, cette atmosphère douce, cotonneuse, voire moelleuse, puis serait rapidement dérangé par le contenu des mots inscrits sur les murs et dans le flux de l’image. Il n’inviterait peut-être pas Sandrine Raquin chez lui, de peur qu’elle ne casse l’ambiance.
En revanche, c'est la distance et l’abstraction, inhérentes à la façon dont le cartographe interprète le réel, qui semblent recherchées dans la seconde unité de pièces présentée à l'occasion de cette exposition. Le sujet ainsi traité, quoique d'habitude délicat, peut être abordé sans le moindre apitoiement convenu. Intitulé Promenades parallèles, ce corpus consiste en une série de représentations isolées de cimetières dont l'aspect visuel se calque étrangement sur celui des jardins publics - à quelques signes près - dans les plans des villes et autres cartes géographiques. Mais le rapprochement s'arrête là dans la mesure où l’artiste ne fait pas appel aux techniques de reproduction mécanique et que l'échelle des fragments qui sont donnés à voir est largement supérieure à tout ce qui se fait normalement dans ce domaine. Cette deuxième installation se distingue par son indiscutable rigueur, dans le graphisme comme dans l’accrochage, qui rompt très nettement avec le flottement significatif de la première. Ses couleurs plutôt vives et variées, appliquées en couches homogènes, contrastent avec la dominante bleue, le modelé et le volume caractéristiques des éléments représentés dans L’Être heureux.
Si cette tension, nourrie de contradictions - ou mieux de troubles et de perturbations pour reprendre un lexique adapté aux circonstances - à naturellement induit la mise en forme de l'exposition, c'est parce qu’elle préexiste dans les œuvres elles-mêmes - entre la délicatesse du matériau et la rigidité du dessin ; entre la souplesse du support et la tension auquel il est soumis une fois fixé ; entre un alignement au cordeau et une disposition fluctuante ; entre concentration et dispersion ; entre exhaustivité et subjectivité… Sandrine Raquin détourne l’objet initial (jauger, mesurer, évaluer...) des pratiques techniques ou scientifiques (géographie, météorologie, statistique) auxquelles elle fait précisément référence pour leur neutralité, puis le confronte finalement à un propos nourri d’affect.
Avec une concision nouvelle dans ses derniers travaux, elle réussit ce tour de force : attribuer de la qualité à l'endroit de la quantité. Mais il faut dire que l'artiste s'y entend en matière de détournement de situation. C’est ainsi qu'elle procède sur les films de polyester comme sur les plaques de polyméthacrylate : elle les travaille d’un côté, et nous les voyons de l’autre.

Edouard Monnet

Directeur de Vidéochroniques et commissaire de l’ exposition
octobre 2003

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