Rehab Kinda
Rehab Kinda, 99 noms de femmes, 2009
Video couleur stéréo, 11min
Vit et travaille à Casablanca (Maroc)
Rehab Kinda est une artiste visuelle pluridisciplinaire diplômée de l’Ecole Supérieure d’Art de Toulon Provence Méditerranée ainsi que de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan.
Sa recherche s'articule autour du médium vidéo et sa problématique pose la question du clivage et du partage des rôles sociaux entre homme et femme dans la société arabe. Les vidéos de Rehab Kinda ne sont pas des documentations mais bien des documents de la vie intérieure.
Dans le cadre de l'exposition La relève !, elle présente la vidéo "99 noms de femmes". "Derrière des bâtons d’encens dont la position évoque celle de barreaux, on perçoit le visage d’une jeune femme déclamant en arabe des prénoms de femmes, quatre-vingt-dix-neuf exactement, rappelant les quatre-vingt-dix-neuf “Beaux Noms” qui désignent et qualifient la divinité vénérée par les musulmans, plus communément nommée Allah, le Dieu omniscient, créateur et incréé.
Sous l’effet de l’air s’échappant de la bouche à chaque propos émis, la prononciation de ces mots a pour effet le vacillement de la fumée d’encens, après un temps de retard comme s’il s’agissait d’un temps de réflexion. Les noms donnent forme, littéralement, les mouvements de fumée constituent un signe tangible, et les paroles ne restent pas en l’air. Ici en effet on ne s’appelle pas, on est nommé, prénommé par une injonction normative des vertus dont une femme doit être dotée.
Selon l’artiste, "la prise de parole implique symboliquement une prise de pouvoir. Sous le masque du silence, la logique des systèmes sociaux arabes exige de la femme plus que de la soumission puisqu’en portant ce masque elle devient complice des rapports de force émanant de ceux qui les exercent." Rehab réalise des vidéos mettant en scène des femmes visiblement soumises et dépourvues de moyens d’expression, qui semblent s’abandonner aux stéréotypes, afin précise-t-elle, "de montrer leur confinement dans les champs du privé, de l’intime, du sentimental."
Mais paradoxalement, le visage sur lequel elle se concentre obstinément devient le lieu d’une expression silencieuse, le support d’un langage muet qui permet à la femme de "s’évader de la sphère domestique, d’échapper au contrôle social, de se singulariser : elle était ‘nous’, elle devient ‘je’."
En opérant ce renversement, en modifiant subtilement ces rapports de force préétablis et apparemment inamovibles, l’œuvre de Rehab déborde largement de son cadre, de son ancrage culturel, sociologique ou géographique initial. Elle s’inscrit dans une généalogie que l’artiste revisite, une certaine tradition "féministe" de l’art, ses mères spirituelles pourraient bien être allemande (Ulrike Rosenbach) ou serbe (Marina Abramović).
Ian Simms et Édouard Monet, commissaires de l’exposition La Relève
propos tirés du dossier de presse de l'exposition
"Je veux dévoiler l'absurdité des conventions comportementales imposées à la femme et inciter ainsi l'observateur à reconsidérer ses propres façons de voir et de juger […] Peut-on à notre ''endroit'' si ténu soit-il... Jouer de la force symbolique de l'art, puisque l'art est une narration de l'être au monde, déplacer le réel vers un lien d'échange pour mettre en débat nos représentations collectives ?
Mon travail n'est pas à prendre/comprendre comme manifeste politique, je ne cherche pas non plus à prouver de l'asymétrie des rôles dans la société (cela serai totalement vain). Juste un regard qui parle de ce "manque à être", de la force du renoncement qui finit presque toujours par céder sur le désir de la femme."
Elle a participé à différentes expositions notamment à la BJCEM, Biennale des Jeunes Créateurs de l’Europe et de la Méditerranée (Skopje), à Vidéochroniques (Marseille), à la Galerie Montgrand (Marseille), à l’Espace d'art le Moulin (La Valette du Var) et aux Galeries du Fort Napoléon (La Seyne-sur-Mer).
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