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Merdre !

Gilles Barbier, Taysir Batniji, Pierre Beloüin et P. Nicolas Ledoux, Markus Butkereit, Damien Béguet, Damien Berthier, Matthieu Boucherit, Paul Chochois, Frédéric Clavère, Claude Closky, Nicolas Daubanes, Raphaël Denis, Brad Downey, Christophe Fiat, Jean-Baptiste Ganne, Anne-Valérie Gasc, Laurent Lacotte, Thomas Lasbouygues, Pascale Mijares, Monsieur Moo & Louise Drubigny, Gianni Motti, Jean-luc Moulène, Jonathan Naas, ORLAN, Paper Tigers Collection, Frank Perrin, Mary Pupet, Ian Simms, Jeanne Susplugas,  Michèle Sylvander, Mathieu Tremblin, Sarah Venturi, Jacques Villeglé, The Wa, Brigitte Zieger

du 10 février au 25 mars 2023
Vernissage le jeudi 9 février de 17h à 20h30

En collaboration avec l'atelier Tchikebe
Commissariat : Thibaut Aymonin, Julien Ludwig-Legardez, Olivier Ludwig-Legardez, Édouard Monnet

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Installation et vernissage

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Vues de l'exposition

Merdre !

C’est précisément par ce mot que débute le premier acte d’ “Ubu Roi”, célèbre comédie d’Alfred Jarry dont on situe l’origine dans les farces écrites par l’auteur lorsqu’il était lycéen, à l’effet de se moquer du plus grotesque de ses professeurs. C’est donc aussi par ce mot, prononcé par le comédien Firmin Gémier, que débuta la version définitive de la pièce lors de sa première représentation publique au Nouveau-Théâtre, le 10 décembre 1896. Devant le Tout-Paris littéraire et mondain, déjà échauffé par un préambule aussi ennuyeux qu’absurde et la découverte d’un bien maigre décor, cette déclamation fit l’effet d’une bombe, ou plus vraisemblablement celui qu’escompte le gamin sautant à pieds joints dans une flaque de boue au milieu des passants. Le chahut qui s’en suivit fut en outre réactivé à chaque énonciation du mot “merdre”, récurrent dans le texte, fût-il pourvu d’un “r” supplémentaire censé en désamorcer l’effet. Ce geste de Jarry en forme d’euphémisme laissa d’ailleurs un souvenir si durable qu’il constitua un legs majeur pour l’art qui allait lui succéder. Sans même détailler son tribut à l’égard d’une pratique qu’on nomma performance quelques décennies plus tard, il fut à l’évidence inaugural des comportements caractéristiques du futurisme et de Dada(1), parmi les autres avant-gardes au sein desquelles il infusa.

Ni les avant-gardes ni la performance, quoique cette dernière soit éventuellement suggérée par son empreinte, sa documentation ou les stigmates de son accomplissement, ne dépeignent cependant les traits saillants de l’exposition qui nous occupe ici tandis que son intitulé pourrait le laisser supposer. Son recours est né d’une intuition, peut-être nourrie d’un contexte politique, social et sociétal fébrile au sein duquel se manifestent indistinctement les luttes les plus légitimes ou émancipatrices et, paradoxalement, les expressions les plus dogmatiques ou autoritaires. L’ingénu désir initial d’une collaboration “entre voisins” réunissant là Vidéochroniques et Tchikébé, soit deux structures proches par leur implantation mais différentes par leurs économies, leurs statuts et leurs modalités de soutien aux artistes, impliquait en effet de considérer les véritables enjeux d’une telle association, par-delà ces multiples hiatus. Notre première approche, la plus prosaïque, fut d’abord de considérer les nombreux artistes qui croisaient nos activités réciproques, puis d’envisager d’autres propositions connexes, chères aux uns ou aux autres. Ce vers quoi toutes convergeaient en définitive relevait du politique, dont la définition oscille depuis l’exercice du pouvoir, et de sa contestation par conséquent, jusqu’à certaines manières d’agir avec autrui, du calcul à la bienveillance.

Initialement indexée sur le médium qui constitue le cœur du métier de Tchikebe, et de son fonds du reste, l’exposition fait la part belle à la sérigraphie. C’était bien normal en la circonstance ! Rappelons à ce stade l’apport historique de cette technique, dont il faut d’abord mentionner l’emploi à des fins militantes : c’est ainsi qu’aux Beaux-Arts de Paris, par exemple, on réquisitionna l’atelier qui lui était dédié pour le reconvertir en “atelier populaire d’affiches” à l’effet de servir la noble cause révolutionnaire de mai 1968. La fameuse figure du poing levé, de même que des slogans mémorables tels que “Voter, c’est mourir un peu”, “Les rédactions à désinfecter”, “Interdit d’interdire”, “CRS SS”, etc., en sont les fruits aujourd’hui parfaitement consignés. Mais cet accent porté sur la sérigraphie renvoie aussi à son succès dans les champs de l’art moderne et contemporain. Henri Matisse en fut le chantre européen dans les années 1950 tandis que Warhol, Lichtenstein et Rauschenberg s’y adonnèrent sans compter une décennie plus tard.

Sans qu’elle ait recouru significativement à la sérigraphie, il est une autre expérience fondatrice en matière d’imprimés qui mérite d’être mentionnée. Sa singularité vaut précisément par son double dessein, esthétique et politique. Au sortir de la seconde guerre mondiale, et dans un contexte artistique déjà fortement nourrit par un désir de révolte “héritière du surréalisme français”
(2), la revue Les Lèvres nues devient notamment le support des revendications de l’Internationale lettriste puis de l’Internationale situationniste. Mêlant “proses et poèmes, photographies et dessins, chroniques et textes théoriques (cinéma, politique, poésie, musique), saynètes de théâtre et scenarii de films, aphorismes et citations”(3), cette revue, aussi exigeante que virulente, s’est présentée entre 1953 et 1975 comme le support d’un véritable dialogue entre art et luttes, largement teinté de marxisme. C’est d’ailleurs dans son huitième numéro, paru en mai 1956, que Guy-Ernest Debord et Gil Joseph Wolman y délivrèrent leur mode d’emploi du détournement.
Passée cette l’évocation en creux de ces iconographie et littérature glorieuses, la conception de l’exposition supposait de se soustraire à deux écueils, l’un relevant de sa forme, l’autre de sa lecture. Il s’agissait en effet d’imaginer un déploiement dans l’espace qui déborde du cadre, entendu ici littéralement et métaphoriquement, qui induise une porosité des formats, des procédés, des médiums et des espaces investis au service de notre propos  : les travaux encadrés croisent ainsi les œuvres murales, les chevauchant parfois, les techniques et les médiums abondent bien au-delà des seuls imprimés tandis que l’intérieur et l’extérieur se convoquent mutuellement. Ce propos, justement, se voulait d’une autre complexité que ne le laisse souvent entendre l’allusion au politique. Loin de se caractériser par une approche politisée, militante ou manifestaire au mieux, consensuelle ou démagogique au pire, il fait état de stratégies autrement troublantes, ce dont le titre retenu constitue un premier témoignage. On en comprend dès lors que la provocation, l’ironie et le détournement s’y côtoient, forts de leur distance critique et de leur puissance transgressive.

Edouard Monnet et Thibaut Aymonin, Février 2023

 

(1) Voir à ce sujet : Roselee Goldberg, La performance du futurisme à nos jours, Paris, Thames & Hudson, coll. “L’univers de l’art”, p.11-30

(2) Michel P. Schmitt, “Les Lèvres nues. Une arrière-garde en devenir”, dans La Revue des revues, n°55, 2016, p.17 

(3) Ibid, p.18

RESSOURCES

REMERCIEMENTS

Mrac Occitanie, Sérignan

Herboristerie du Père Blaize

Collection Jacques Font et Fils

Pascal Navarro et Céline Ghisleri

ÉQUIPE

Édouard Monnet

Commissariat, administration

Thibaut Aymonin

Commissariat, communication, médiation, administration

Antoine Bondu

Régie, logistique, administration

Ke Ren

Stagiaire, régie

Barbara Pereira Magalhaes

Service civique, médiation, accueil

Maya Benarouch

Stagiaire, médiation, accueil

Note 1 - Merdre
Notes de pages Merdre
Note 2 - Merdre
Note 3 - Merdre

ARTISTES

P. Nicolas Ledoux
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